
Giuseppe Verdi
La correspondance de Giuseppe Verdi nous invite dans un monde d’enthousiasme et de créativité. On y découvre le portrait inédit d’un artiste au caractère prodigue, très conscient de son propre génie. Cette savoureuse sélection propose les lettres les plus drôles du maître de la musique italienne, qui vivait avec la passion du vin, de l’amitié et de la liberté.
Compositeur à la joie contagieuse, doté d’une extraordinaire volonté de s’affirmer, Giuseppe Verdi (1813-1901) fut l’infatigable impresario de sa propre œuvre, qui culmina dans des opéras immortels tels que La Traviata, Aïda et Rigoletto. Sa correspondance avec les librettistes, musiciens et critiques de son temps nous ouvre les coulisses de sa vie trépidante, entre jours de voyage et nuits de composition, à la conquête d’un succès mondial.
C’est une véritable amitié, avec ses brouilles et ses griefs, que partagèrent pendant des décennies Verdi et Francesco Maria Piave, auteur d’une dizaine de livrets parmi ceux de ses opéras les plus célèbres. La lettre qui suit nous renseigne sur la teneur de la fertile solidarité artistique qui liait les deux hommes, parsemée d’insultes affectueuses et drôles; elle nous offre un aperçu de la vie fatigante et mouvementée, mais pleine de rebondissements, du Maître.
Dimanche, ou mardi, ou mercredi ou jeudi, je partirai pour Venise, et je t’écrirai quoi qu’il advienne la veille de mon départ de sorte que tu saches la date précise de mon arrivée à Padoue. Je ferai d’ailleurs un saut à la poste pour que la lettre t’arrive au plus tôt, et toi, mon cher, espèce de chat, tu auras la gentillesse de courir à la poste vers midi, comme ça tu perdras un peu de ta bedaine. Je passerai la nuit à Padoue, et si jamais tu t’avisais de ne pas être là, cela ferait de toi un gros lard, un porc, un crocodile, un rat. Fais-nous préparer un bon dîner (car c’est parfois compliqué à trouver à Padoue), un bon feu et un bon lit ; le lendemain, nous partirons pour Venise à 8 heures du matin afin d’arriver pour la répétition de midi. En outre, tu nous trouveras deux chambres pour jeudi matin (si cela pouvait être celles du pont des Huîtres, ce serait parfait) et tu demanderas à Gallo d’y apporter le clavecin de bonne facture. Tu as compris monsieur le Gros Lard ? J’espérais de ta part une lettre d’un autre acabit à propos de la deuxième réplique du Lorenzino, mais mon cher, vous êtes un gros lard. En attendant, je me réjouis avec toi et avec le théâtre de ce succès. Je te remercie pour le livre – Fais en sorte que le programme de notre opéra y figure en entier. Ne me pousse pas à jurer comme un charretier; avec le temps, tu sais, je deviens de plus en plus furibond. Et prends garde : un jour ou l’autre je te ferai la peau. Adieu,
G Verdi