La maison d’édition

Selon la légende (ou selon Umberto Eco, qui l’a diffusée, mais la différence entre les deux entités – légende et Eco – est désormais subtile), pendant une soirée mondaine du profond XXe siècle, une dame s’approcha d’un homme élégant et lui demanda quel était son métier. Or, cet homme était Valentino Bompiani, une des figures phares du monde de l’édition italienne, et il lui répondit :
« Je suis éditeur.
– C’est beau. Donc vous écrivez des livres ? demanda la femme.
– Non, ce sont les écrivains qui y pensent.
– Vous les imprimez alors ?
– Non, cette tâche revient aux imprimeurs. »
La femme était confuse. Elle hasarda : « Eh bien… Vous les vendez ?
– Ce sont les libraires qui les vendent.
– Mais alors, qu’est-ce que vous faites au juste ?
– Tout le reste. »

Et tout le reste, on le sait, est littérature. Les Éditions L’orma sont nées européennes, elles ont été créées en Allemagne par des Italiens qui avaient passé leur vie en France.
En italien, « l’orma » est l’empreinte d’un pied, suivre l’une d’elles signifie se placer dans le sillon d’une tradition ; pour nous, il s’agit de celui de la littérature de la modernité, disons celle des trois derniers siècles environ. Et comme le disait si bien T.S. Eliot, la tradition n’est pas donnée par droit d’héritage, il faut beaucoup de labeur pour l’obtenir.
Mais « l’orma » est aussi la trace que l’on tente de laisser dans un paysage culturel, la marque et le témoignage d’une vision du monde, d’une interprétation.
C’est en Italie que nous avons d’abord commencé à faire notre « tout le reste », c’est-à-dire à bâtir un catalogue en fouillant dans les trésors des littératures française et allemande, tels que les œuvres d’Annie Ernaux ou de Julien Gracq, celles de Uwe Johnson ou de Marcel Aymé.

La source du logo des Éditions L’orma est un dessin de l’artiste hollandais Humbert de Superville (1770-1849) contenu dans son Essai sur les signes inconditionnels dans l’art, il a été choisi pour illustrer le regard mobile et vigilant dont parle Montaigne dans certaines pages que nous aimons.